A Pont-Croix, tu pouvais vite tourner en rond. Je n’irais surtout pas dire qu’on touchait le fond. C’est une commune qui m’a toujours attirée avec ses rues un peu casse gueule. Mieux vaut éviter de descendre la Grande rue Chère en période de verglas (tu peux prendre cher effectivement). Y’a pas à dire, cela fait tout son charme. Descendre jusqu’à l’ancien moulin, au bord du Goyen et remonter parmi les mignonnes petites maisons en pierre. Admirer le paysage. Tu ne t’en lasses pas. Depuis quelques années, c’était compliqué je trouve de ressentir de la vie dans ce beau petit bourg. Depuis, une librairie s’est ouverte.
Une librairie café, La Pluie d’été
Rue Prison, deux amies vous emmènent au delà du temps et vous aident à vous évader grâce à leur sélection de livres. des BD, romans, recueils, livres photos, des recettes, des livres jeunesse, etc. Si vous suivez leur page facebook, vous trouverez aussi des conseils lecture, rencontres avec des auteurs… Je n’y suis pas allée souvent. Deux fois. J’avais envie de tout prendre. C’est Claire Bretécher qui m’a fait de l’œil avec son Agrippine tatouée sur l’épaule. Sa coupe au bol, ses yeux charbons, et sa mou. Irrésistible.
Alors j’irai bien voir à quoi ça ressemble… une 3eme fois. Si je peux je retournerai avec mes compagnons motards. On se remettra dans le fauteuil en osier. On se serra fort pour se réchauffer si l’automne arrive plus vite que prévu. Après le café chaud et le brownie au choco, passer à la caisse, les bouquins dans le sac à dos et tchaooooo !
Infos pratiques 6 rue de la Prison Pont-Croix ouvert du mercredi au dimanche : de 11h à 19h Horaires d’été (à partir du 21 juin) : 11h à 20h
Eté 2021 dans l’ancienne Manufacture des tabacs à Morlaix, un lieu culturel et atypique ouvre.
Le SEW, espace de création ouvert à tous
L’ouverture du SEW, dans l’ancienne Manufacture des tabacs à Morlaix, participe à la renaissance d’un quartier et au rayonnement de tout un territoire. Et pas n’importe lequel pour une Lanmeurienne déracinée comme moi. Cette région est si chère à mon cœur.
Revenir sur ses terres. Retrouver sa famille, son logis. Son île souvent perçue comme une prison mais devenue paradis dans les mémoires des combattants.
une BD historique lors de la première guerre mondiale, sur une île bretonne.
Facteur pour femmes
28 juin 1914, les hommes les plus vaillants d’une petite île bretonne sont appelés à la guerre. Reste Maël, un homme un peu perdu, un peu bancale, surtout mal aimé. Lankou a soufflé trop fort sur l’ombre maternelle le jour de sa naissance. Maël ne marche pas vite mais pédale fort. Les anciens restés sur l’île lui confient alors la distribution du courrier.
« L’espace américain sidère. On a beau l’avoir vu cent fois au cinéma et même l’avoir physiquement traversé, la nature vous y attrape chaque fois à la gorge. »
Eric Sarner
Eric Sarner est journaliste, poète et aventurier. Ces trois caractéristiques m’intéressent. Il est rare qu’on place à côté du mot journaliste le mot poète. Comme si cela était trop abstrait, ne rentrant dans aucune case. Triste uniformisation sociale.
La situation est préoccupante mais ce qui nous attend m’inquiète encore un peu plus. Lisez ce texte de 2012, La culture et la crise de Jérôme Clément, ancien président d’Arte (texte toujours d’actualité).
Musée éphémère à Vannes dédié à l’art contemporain, street art, graffiti
L’art prend la rue
entrée de DéDalEGorille de bienvenue (si tu portes des baskets, c’est ok tu rentres)
C’est pas l’homme qui prend la mer mais l’art qui prend la rue. Enfin la rue ! disons plutôt les couloirs des bureaux anciennement DDE, Direction Départementale de l’Equipement. En 2018, une fois ses administratifs, ingénieurs et techniciens partis pour la croisade à l’ergonomie et autres chasses aux RPS, la ville de Vannes prête à un ingénieux collectif d’artistes (non grecs) les locaux : DéDalE (DDE) voit le jour.
Film documentaire réalisé par Marc Dufaud et Thierry Villeneuve, en salle le 24 juillet 2019. « il m’a fallu un peu de temps avant d’avoir envie de faire ce film… » nous confie Marc Dufaud. Sans doute qu’il faut aussi un peu de temps avant de réaliser le décès d’un homme tel que Daniel Darc.
Cinéma : Daniel Darc “Pieces of my life”
Réaliser sa mort comme réaliser son film. Lui qui cohabitait avec la faucheuse sans l’autoriser à le cueillir, cutter au poing. La pauvre prédatrice a souvent perdu son latin avec ce diablotin. Et ses amis ont dû s’habituer à ce borderline trip.
De longues bobines de films couleur jean délavé, la voix de Marc
Dufaud nous raconte 25 ans d’amitié. Comme un cadet poursuivant son frangin
rimbaldien, il refait vivre l’artiste punk parisien dans les ruelles et les salles
de concert. Il revient dans son appartement vidé, ouvre la fenêtre pour nous offrir
de son intimité.
Décédé en février 2013 à l’âge de 53 ans, Daniel Darc manque
à ses potes mais aussi au public. Le film est beau et touchant comme ce garçon.
Sa présence flegmatique caractérisée par son esprit libre tranche si joliment
avec son âme d’écorché.
De Taxi Girl à Darc
Entre Daniel Darc et moi c’était souvent trop tôt ou trop tard.
Taxi Girl trop tôt pour le suivre sur la route des concerts. Mais déjà je
savais apprécier ses textes et notes rock dans le paysage de la chanson française
comme Bashung et les Ritas.
1997 passe et avec elle l’album « Nijinsky ». Trop
tard. Je n’ai pas de souvenir de leur tournée avec les Weird Sins et George
Betzounis, guitariste.
Enfin le rendez-vous est pris. 2007, l’album Crèvecœur
produit par Frédéric Lo. Je me souviens, je me rappelle l’écouter en boucle, et
me dire enfin : ça fait du bien ! au lieu de nous servir de la… !
La fin des poètes
Est-ce la fin d’une époque, des poètes, des anticonformistes,
des punks et rockeurs. La fin d’une génération. Reste quelques rescapés comme
Arno, Thiéfaine…
Daniel Darc, une écriture sincère implorant ses démons, une
écriture pour étouffer le diable et délivrer ses ancêtres des fils barbelés
ensanglantés. Lui né dans une famille de déportés juifs. C’est auprès de son
dieu qu’il trouve enfin le repos.
Le 13 juillet dernier, Anne-France Dautheville présentait son dernier livre « La vieille qui conduisait des motos » à l’Ecole des Filles à Huelgoat. Anne-France Dautheville est journaliste, écrivaine, motarde et aventurière (les qualificatifs manquent ! tellement elle est inspirante). Elle est la première femme à avoir fait le tour du monde en moto, début des années 70.
Le livre pour (se rappeler) d’aimer la vie
Voilà maintenant une dizaine d’années que je fréquente l’Ecole des Filles à Huelgoat, lieu culturel en centre Bretagne. J’ai retrouvé trace sur mon blog d’un premier billet écrit en 2010. Cette ancienne école, tenue aujourd’hui par Françoise Livinec, a un impressionnant pouvoir d’attraction. Au-delà des conférences exceptionnelles proposées l’été, ce lieu a beaucoup de charme. Et les femmes et les hommes qui parlent de leurs œuvres, du monde, qui exposent leurs peintures, leurs dessins agrémentent l’école d’ondes positives par leur art et leur enseignement.
Voir des Vrais gens
Je l’avoue (et je le lui ai avoué) je ne connaissais pas Anne-France Dautheville la motarde. Je pourrais effectivement éplucher tous les blogs et les sites à la recherche de femmes motardes célèbres. Et vous copier-coller leurs histoires, photos, piquées sur Wikipédia. Oui mais non. Ça ne m’intéresse pas. J’ai besoin de me frotter à l’humain. Depuis mes dernières (rares) interviews, je suis devenue accro. J’aime « me frotter » à la chair humaine. L’enrichissement personnel est multiplié par 150 dix milles. Même une déception (gentil sur le papier mais en direct un vrai blaireau avec toute sa machinerie…) est profitable ; ça aide à grandir. On me dit souvent que je suis une femme enfant. C’est le plus beau compliment que l’on puisse me faire. En effet, j’ai encore de belles choses à apprendre et des gens formidables à rencontrer. L’innocence m’apaise.
La conférence du 13 juillet 2019 : Rêve et réussite
Le jour de la conférence, nous sommes arrivés en avance. Je
n’avais pas remarqué qu’elle s’était assise en face de nous en attendant de
rejoindre son pupitre. Je ne sais pas si c’est un hasard, mais elle s’est
retournée au moment où mon cher et tendre me demande (en me montrant une page
du programme de l’été) si c’est bien « cette jeune écrivaine qui couche
avec Marc Lavoine ». Petit moment de solitude lorsqu’elle se lève et rejoint
l’estrade. Elle s’est peut-être dit qu’on était deux gentils abrutis…
L’entrevue débute. Elle commence par nous parler de lichen trouvé dans la forêt d’Huelgoat. J’avoue me sentir désorientée dès les premières secondes. Puis Symbiose, Entraide, Interdépendance,Différence, Amour aussi… voilà je suis embarquée, l’engrenage du circuit prend vie. Anne-France Dautheville parle avec poésie. Elle manie les mots, les sons avec finesse et beauté. Avec elle, même la pire des grossièretés serait dite avec classe. Je n’ai pas cette qualité, je suis tellement brute de décoffrage. En l’écoutant, je me suis sentie plus légère, plus jolie. Elle me ravit.
Séance Dédicace
Moment mortifère. Son livre à la main, l’héroïne offre de son temps pour une séance dédicace. Mes muscles commencent à se crisper et tous mes neurones foutent le camp. Les salauds. Ils se tirent, galopant, les lâches. Je suis là comme un rond de serviette qui s’accroche à son bouquin (j’existe j’ai acheté !!). Qu’est-ce que je vais lui dire !… alors forcément on dit toujours des conneries. Dans le fil de la conversation, elle me dit quelque chose qui m’a un peu secouée (mais j’aime ça, ça me remet d’aplomb) : je lui dis que « c’est courageux ! qu’est-ce que j’aimerais le faire… partir en moto dans des pays lointains… mais j’en serais incapable ! j’ai trop peur »… elle me répond du tac au tac « si les gens ont peur c’est qu’ils ne sont pas fait pour cela ». Je suis déçue de cet échange. Car d’une part, ma remarque était idiote, je n’ai pas peur des gens, de partir, d’aller à la rencontre de.. d’autre part, c’est une peur exprimant la peur de manquer. Manquer d’argent pour une réparation, manquer le virage… que la famille me manque (venez me chercher, je suis coincée dans un fossé !!). C’est mon petit confort de vie, rempli d’amour qui me ramène sur le chemin du garage. Alors peut-être que je ne suis pas faite pour cela… mais je ne suis pas convaincue, qui sait…
« La vieille qui conduisait des motos » mais pas que
Son livre parle de son road trip en moto. Pour ses 60 ans, elle enfourche sa teutonne, une 800 BMW, et part faire le tour des copains. Pour son passage auprès des amis, elle demande « une cuite et un gâteau » sinon rien. J’ai adoré son livre plein de clins d’œil, d’humour, de sensibilité, d’humanité. Quelle force, quelle singularité, quel optimisme. Cela faisait longtemps qu’un livre ne m’avait pas redonné vie et le goût de lire.
Il parle de motos, de rencontres, aussi de société, de psychiatrie, de croques monsieur, de féminité, de vieillesse, du temps, des arbres, de sexe un peu aussi !
Extraits
« …Depuis quelques années, notre société opère une
immense mutation. Nous étions bien tranquilles à l’intérieur de nos frontières
quand le monde a déferlé chez nous. Des immigrés avec ou sans papiers, des
produits moins chers qui torpillent nos productions, des idées qui bousculent
nos certitudes. Nous vivons petit, il nous faut penser grand. Toutes les
sociétés qui mutent se radicalisent, se recentrent sur des peurs…»
« …Tu seras un homme, ma fille ! Cette phrase n’a
jamais été prononcée, mais elle résume mon éducation. Les femmes convenables sont
des êtres incapables de réflexion, de discipline et de compétence. La preuve :
celles qui gagnent de l’argent sont des Juives ou des grues. Je suis partie
dans la vie tout de travers, corps de femme, goût des hommes, interdite de
féminité… »
Merci
Merci à elle pour tous ces partages de bonheur et de doute. Je suis fan.